Rien ne se perd

C'est lors de l'élaboration de sa théorie de la conversion des masses qu'Antoine Lavoisier a dit la phrase célèbre: “Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme". La citation m’est venue en tête lors de ma reprise de la course à pied avec poussette. J’espère que cette théorie fera exception à la masse adipeuse excessive que je trimballe depuis l’arrivée de la Boulette. 

Le chum: Franchement. T’as fondue, ma puce.

Moi: J’ai vu mon reflet. J’suis une poire.

Le chum: N’importe quoi. T’es une pomme.

Moi: Super. 

Depuis l’arrivée de ladite Boulette, je découvre la nouvelle vocation qu’est ma maternité, et dans laquelle je m’accomplis un peu plus chaque jour. Je crois que cette énergie sentimentale était déjà en moi avant l’arrivée de ma fille. Une partie de cette force a seulement été redirigée via le pipeline ombilical et déferle depuis sans assistance aucune vers ce petit être vulnérable qui déchire mes nuits et me broie le cœur un petit bonheur à la fois. Rien ne se perd.

Je me suis également découvert au fil des derniers mois un nouvel intérêt: celui de trouver des utilités alternatives à des objets dont l’usage courant est révolu. Je suis démasquée depuis quelques textes déjà: sans être une ayatollah du zéro déchet, j’y tangue de plus en plus. Mais bon, y’a pire, tsé.

Cette tendance aussi était déjà en moi. Je n’ai jamais aimé gaspiller, et je n’aime pas jeter. J’ai une tendance « écureuil » seulement parce que je ne vois pas la pertinence de me départir de quelque chose qui est encore « bon » à mes yeux. Jusqu’à tout récemment, ma garde-robe comptait encore quelques pièces datant...du cégep. Vous voyez le genre. Ainsi, je pousse dorénavant la note un peu plus loin. Flashback sur mes belles éponges tawashis mentionnées dans un précédent billet. Aussi, presque tous les verres que nous utilisons sont des ex-pots de confiture Bonne Maman. Les quelques parfums que je ne porte plus sont récupérés pour aromatiser mes bains interminables. Un grand tableau qui ne servait plus a été repeint avec de l’ardoise et nous sert maintenant à indiquer les dates importantes du mois à venir. Il n’y a rien de révolutionnaire dans tout ça, je le sais bien, mais il n’en reste pas moins que je trouve tellement satisfaisant de confier un nouvel usage judicieux à quelque chose qui aurait normalement été rapidement balancé au recyclage ou à la poubelle. J’éprouve une petite fierté lorsque le sac de déchets qu’on amène à la rue est tout petit, et que je referme sans peine le couvercle du bac de recyclage. Rien ne se crée.

Il en est de même avec les souvenirs. Il y a l’événement, puis le souvenir immédiat de l’événement, et enfin le résiduel que garde la mémoire au fil du temps qui passe. La tête classe ses trésors dans différents tiroirs mnémotechniques, ouverts sporadiquement en zieutant de vieilles photos (- Mon Dieu! As-tu vu mes cheveux! - Ah! Lui, c’est le père de mon grand-père. Comment il s’appelait déjà? - Ah! Un ancien amoureux de maman! Comment il s’appelait déjà?), quand on réussit presque parfaitement la recette de sa grand-mère et que cette odeure propre à l’enfance envahit la cuisine, lorsqu’on retrouve quelque chose qu’on croyait disparu au fond de la penderie. En plus des quelques images du souvenir remontent avec elles à la surface les sensations et émotions de l’instant passé, qui insèrent le souvenir dans la nouvelle temporalité du présent. Tout se transforme.

Faire du neuf avec du vieux n’est pas nouveau, renouveler et se renouveler non plus. Faire bon usage de création pour réduire les pertes n’est pas une intention moins noble parce qu’elle est devenue la tendance du moment. En fait, il serait bien que cette perspective s’ancre pour de bon dans les esprits pour que nous n’oublions pas combien le passé est apte à servir le présent. Du moins, ça vaut le coup d’essayer. Un petit pas à la fois.

Comme la course à pied.


Parole de poire!


Au plaisir,

MSBe