Le temps qu’il faut

J’ai recommencé à aller à la messe. J’y étais obligée quand j’étais petite, puis j’ai arrêté à l’adolescence, et là j’ai recommencé. Tous les jours sauf la fin de semaine, à 13 heures tapantes. Installée devant mon écran, j’arrête tout et j’attends que notre Premier ministre s’installe, flanqué de ses disciples sanitaires. J’apprends l’état du monde, j’écoute les recommandations, j’abonde dans le sens de sa gratitude. Au nom du PM, des ministres et de la courbe aplatie, Amen.
François: >tousse dans son poing< Oups!
Le chum: C’tu moi ou Legault tousse JAMAIS dans son coude?
Moi: Il apprend pas, mais il fait bien ça pareil.
Horacio: Si vous me permettez, monsieur le Premier ministre…
Moi: Lui aussi.
Danielle: Écoutez…
Le chum: Elle aussi.
François: >tousse encore dans son poing<                    Maintenant, in English.
Moi: Anyway.

Depuis que j’ai ma fille, il n’y a plus ni jour ni nuit, mais la messe revient toujours, immanquablement, unique marqueur de temps. Et ce temps, plusieurs trouvent qu’il passe de plus en plus lentement, et que le combler est un challenge grandissant.

J’ai salué toutes les initiatives culturelles et pédagogiques mises de l’avant pour occuper les confinés: visites muséales virtuelles, mises en ligne d’un pantagruélique répertoire littéraire et cinématographique, adaptations radiophoniques de pièces de théâtre, etc. Malheureusement, je n’en ai pas vraiment profité jusqu’à maintenant. J’avoue ne tout simplement pas avoir eu l’envie particulière de maximiser mon confinement. Pas de nouvelle langue. Pas de recette inédite. Pas de défi 30 jours pour développer mes abdominaux. J’ai choisi d’accepter ce nouveau format temporel de lenteur, tel qu’imposé à bon nombre d’entre nous. 

La messe à 13 heures. Le silence dans les rues le soir. Le temps vide partout.

Pis c’est ben correct.

Nous avons collectivement perdu l’habitude d’attendre, nous ne savons plus comment patienter et refusons de ne rien faire. Les livraisons de nos commandes en ligne se font le surlendemain, au plus tard. La restauration doit par définition être rapide. Toujours il faut “profiter” d’un temps “mort” pour sortir le cellulaire et jeter un coup d’œil à nos courriels, “liker” 2-3 statuts, rattraper je ne sais quelle tâche connexe.

Paradoxalement, c’est ce que je ne comprenais pas du slow made, qui implique nécessairement une confection plus lente que la norme. Pour faire court, je reprends cette définition mise en ligne sur Wikipédia:

Le slow made est un mouvement dont l’objectif est la réhabilitation de la valeur temps pour mieux produire, mieux travailler et mieux consommer. 

Comme l’environnement qui reprend du mieux avec la diminution de la pollution depuis le début du Grand confinement, le temps retrouve également certaines lettres de noblesse. Et est-ce si pire? Je me le demande. Si l’on en vient à normaliser à nouveau le concept de “prendre” du temps plutôt que de le “perdre”, le slow made pourrait devenir une alternative tout à fait louable pour le consommateur fraîchement déconfiné. De plus, donner une chance au slow made, c’est souvent encourager une entreprise locale, faisant travailler des gens d’ici en fonction des valeurs d’ici. Il y a généralement contact direct avec l’artisan, un échange quant aux détails de la confection, une gratitude immense de part et d’autre lorsque le besoin est comblé tel que souhaité. Il n’y a pas meilleur sur mesure, si vous voulez mon avis. Mais oui, ça prend un peu plus de temps. Le temps qu’il faut parce que ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait.

Prenez le temps de penser à tout ça pour combler le temps qui passe, d’ici à la prochaine messe. Sortez marcher, écoutez le silence des rues et de grâce, toussez dans votre coude.


Au plaisir,
MSBe